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Une fois que tu es né... tu ne peux plus te cacher!
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Une fois que tu es né... tu ne peux plus te cacher!
12 décembre 2005

Une fois que tu es né

Une fois que tu es né, tu ne peux plus te cacher:  ce corps qui est le tien doit survivre, s'exiler, se vendre, se sauver à moins de mourir, noyé... ce corps qui doit manger, s'exécuter, aimer, nager.

Je suis moi aussi une exilée et je ne peux pas me cacher: je dois, où je suis, (sur)vivre.

Mais une fois que tu es né, ce corps qui est le tien doit aussi dire car, s'il est confronté à la réalité, il ne peut plus se cacher: se cacher la vérité qu'on découvre jour après jour, se cacher derrière les mensonges de la société: c'est alors que tu penses que tu dois "faire quelque chose" au-delà des apparences, des "ça n'en vaut pas la peine", des "oui mais, on a contesté cette théorie", avec la force d'un caprice d'enfant...

Je vois des exilés dans une société qui change: je dois dire.

Une fois que tu es né...tu ne peux plus te cacher - "Quando sei nato... non puoi più nasconderti" - c'est tout d'abord un film, de Marco Tullio Giordana, inspiré d'un livre que je ne connais pas de MARIA PACE OTTIERI. Et puis c'est moi, Alsusha, devant ce film, bouche bée, film dont je m'approprie le titre pour faire un blog car je n'en peux plus de rester sans voix.

Le film c'est l'histoire de Sandro, un jeune Italien du Nord qui n'a pas 14 ans, part en voilier sur les mers de la Grèce avec son père et son oncle. Une nuit, à l'insu des adultes, il monte sur le pont et tombe à l'eau. Il est repéché per un bateau d'immigrés clandestins en route vers l'Italie.

A bord, Radu, un Jeune Roumain qui sauve la vie de Sandro au moment où les trafiquants d'immigrants qui conduisent le rafiot pensent qu'il serait mieux de le rejeter dans l'eau, et "sa soeur" Alina (en fait Radu est son souteneur). Une fois tous arrivés en Italie, Sandro déclare son identité mais refuse de quitter ses amis et est enfermé dans le Centre d'accueil pour immigrés clandestins où Radu et Alina sont envoyés. En allant le rechercher, les parents de Sandro proposent au juge des Mineurs d'adopter Alina (Radu, par contre, est majeur), mais Alina ne veut pas s'éloigner de "son frère"... S'ensuivent plusieurs épisodes durant lesquels, Sandro est appelé à comprendre que les choses ne sont pas toujours comme elles semblent, qu'une petite fille grandie trop vite n'est plus une petite fille, qu'un jeune homme qui lui a sauvé la vie peut être un voleur et un vendeur de filles, que lui aussi s'éveille à la sexualité, que le monde qui l'entoure n'est pas seulement riche et italien...

Sandro

Toutefois, Sandro, en risquant de mourir, est né une seconde fois, et cette fois-ci il comprend "qu'il ne peut plus se cacher". Il est en train de devenir un homme trop tôt: comme Alina, devenue femme prématurément. Non, Sandro n'est plus Sandro et il n'est même plus "le petit garçon qui a dû vivre pendant des jours avec tous ces nègres sur un bateau": il a vu autre chose que ceux qui voient les étrangers comme des nègres, il est devenu un frère des hommes qui "a laissé derrière lui ses vêtements" (I will leave behind all of my clothes... extrait de "Ruby's arms" de Tom Waits au générique de début) et s'est ouvert dans la nudité aux langages de l'Afrique ou aux regards des Indo-Kurdo-alieno-barbares; il est devenu un petit homme qui a tendu la main, non plus par reconnaissance, mais par amour, à une petite soeur naufragée, abandonnée, et dont le rouge à lèvres et le khôl innocents dégoulinent sur l'air d' "Un' emozione per sempre" (Une émotion pour toujours) d'Eros Ramazzotti...

Eros: icône universelle de la chanson d'amour simplette à l'italienne.

Alina: symbole de tous les maux d'un monde qui surnage.

Sandro: symbole d'une Italie qui change ou doit changer...

Alina

Le film de Marco Tullio Giordana quand il a été présenté au dernier festival de Cannes n'a pas été, selon moi, apprécié à sa juste valeur... Mais peut-être faut-il connaître un peu l'Italie d'aujourd'hui pour comprendre que, un, l'Italie du grand cinéma italien des années 40, 50, 60... c'est terminé, et que donc il est inutile de juger un film comme "pas à la hauteur des grands films italiens du passé"; et que, deux, l'Italie d'aujourd'hui n'est plus celle du passé et qu'elle est justement dans le film de Giordana.

Je pense que l'Italie doit être vue autrement, pour ce qu'elle est à présent. C'est seulement ainsi que ce que produit l'Italie actuelle pourra être compris et apprécié par ceux la voient de l'extérieur.

Et moi comment pourra-t-on me comprendre si je ne dis pas comment on vit ici, véritablement... moi-même exilée dans le pays de Dante, depuis disons quinze ans?

Ainsi, Marco Tullio Giordana a tenté d'expliquer son film en donnant des clés sur la question de l'immigration en Italie: "L'Italie est un pays européen qui n'a pas un lourd passé colonial. Nous n'avons pas été habitués au contact avec l'autre et à la cohabitation avec d'autres cultures. Nous avons nous-mêmes contribué aux flux migratoires vers d'autres pays. Chacun, dans sa famille, a un membre qui a connu le déchirement du départ à l'étranger. Cet héritage culturel devrait justement nous rendre plus à l'écoute de ce problème. Nous avons la classe politique la pire du monde. C'est donc aux citoyens italiens de faire quelque chose et de montrer l'exemple dans le respect envers l'autre.(...) Je considère que Une Fois que tu es né est aussi un film sur la transformation actuelle dont fait l'objet l'Italie en passant d'une société post-industrielle à une société multiethnique et pluriculturelle."

Je vous semblerai sans doute imbue de ma personne, mais ne me fermez pas la bouche en m'abandonnant au vide, car je voudrais que mon blog reflète cette double réalité: l'Italie fragmentée, post-industrielle et l'Italie pluriculturelle. A mon avis, ni l'une ni l'autre ne sont connues du grand public à l'étranger... où l'on en est restés aux images des années 60. Mon Italie à moi est différente: c'est celle qui est en devenir, encore inexistante, où je surnage, sans identité propre, et celle où, comme Sandro, je suis, en m'y exilant, née une seconde fois, à un moment où tout est en train de changer.

Exil

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